De profundis
ous, je ne sais pas, mais moi, si.
En cette inexorable époque de rentrée, en cette période où tout le monde va refourbir qui sa trousse, qui ses crayons de couleur, qui son beau costume rayé, qui sa voiture de fonction, je dois vous avouer que je suis inquiet.
Oui, autant vous le confesser tout de suite, notre Secrétaire-d’Etat-A-l’Outre-Mer-Maire-UMP-346 m’inquiète. Même que plus inquiet, ça ferait trop, pour vous donner un ordre d’idée.
En effet, depuis que son feu d’artifices a irrémédiablement sombré dans les eaux abyssales de la Seine, il me semble que notre SEAOMMUMP-346 est victime de ce syndrome tant redouté qu’est l’ivresse des profondeurs. (Peut-être devrais-je même écrire « l’Yvresse » des profondeurs…).
Comme une sorte de fascination pour la chose profonde, presque comme un besoin de trou, comme une espèce d’appel de l’enfouissement, comme une envie irrépressible d’aller vers le bas, pour résumer.
Ne voilà-t’il pas que notre édilanous a entrepris ces temps-ci de creuser des souterrains, des galeries, presque, des catacombes, peut-être…
Son obstination à vouloir enfouir des autoroutes sous Paris me laisse perplexe et songeur.
Est-ce en promettant des souterrains à tire-larigot qu’un membre du gouvernement fera croire que nous sommes enfin arrivés au bout du tunnel ? Je n’en suis pas certain…
Est-ce en voulant troutrouter l’Ile-de-France qu’on réussit à retrouver les cimes économiques ? Pas sûr…
Ou alors, si vraiment vous ne pouvez vous empêcher de faire donner les pelleteuses et autres excavatrices, plutôt que de gruyèriser un peu plus notre capitale, pourquoi ne pas creuser des souterrains ailleurs et à bon escient ?
Un couloir à moins cinquante-deux mètres, avec des flambeaux de chiffons enduits de poix sur les murs de terre glaise, le tout reliant le bureau de M. Karoutchi à celui de Mme Pécresse, ce couloir-là me semblerait de la plus grande utilité. (Surtout si au milieu, on a pris soin d’y installer une fosse avec des pieux bien acérés au fond…)
Une voie secrète, indécelable à l’air libre et reliant la côte de Boulains au 54 de la rue Jean-Jaurès rendrait probablement quantité de services aux animaux monterelais.
Et puis, si j’osais, je profiterais des fonctions ultra-marines de notre aspirant à la gouvernance francilienne pour lui proposer de faire creuser un gigantesque tunnel qui relierait l’Anse-Mitan et les Trois-Ilets à Fort-de-France, sous la mer des Caraïbes, afin d’éviter en fin d’après-midi les embouteillages entre Ducos et le Lamentin. (N’ayant pas pour habitude de mendier ce genre de petit service, je pense que ma requête serait immédiatement acceptée…)
Mais quand même, je vous en conjure, Monsieur notre SEAOMMUMP-346, ne vous laissez pas enfermer dans ces abîmes, dans ces souterraines idées, même si vous pensez ainsi démontrer la profondeur de votre politique.
Je ne saurais trop vous remettre en mémoire la célèbre et ô combien prophétique mise en garde de César à son Marius de fils, un Marius allant étudier « l’océanographique », et ce, par la plume de feu le très regretté Marcel Pagnol :
« Et si c’est trop profond, laisse un peu mesurer les autres !«
Que la suite des événements vous soit propice et néanmoins faste.
Votre dévoué HOU.
————————————————————————————————