La dotation, mais pas celle des mages…
athieu PERCHEMINIER n’est pas inconnu des flambergiens dotés d’une bonne mémoire.
http://yvespoey.unblog.fr/2008/03/21/contribution-directe-zup-alors/
Il est chargé de mission en développement social dans une grande ville française.
A partir de la semaine prochaine, il nous proposera une histoire de la ZUP de Surville qui sera publiée en plusieurs parties. (Son mémoire de maîtrise universitaire était en effet consacré à ce sujet, un mémoire qui avait eu pour effet collatéral d’indisposer à l’époque un certain Secrétaire-d’Etat-A-l’Outre-Mer-Maire-UMP-346.)
Aujourd’hui, Mathieu évoque un problème qui risque de toucher de plein fouet notre chef-lieu de canton : la réforme annoncée de la Dotation de Solidarité Urbaine, la DSU.
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Solidarité Urbaine et Zones Humaines Sensibles
Dans ma ville, comme dans bien d’autres en France, un grand nombre d’habitants vivent quotidiennement dans la peur du lendemain. Confrontés à une situation sociale précaire, leurs soucis principaux relèvent de l’alimentaire. Qu’ils semblent loin, les droits fondamentaux…
Malgré tout, dans ma ville comme dans bien d’autres, la vie suit son cours. Elle n’a certes rien d’un long fleuve tranquille, mais que voulez-vous… Les solidarités de quartier permettent de ne pas sombrer. Les solidarités et les politiques sociales. Ah, les politiques sociales, tellement salutaires !
Les habitants des quartiers en ont vu passer, des dispositifs, des plans de rattrapage, des « Grenelle ». Appelez ça comme bon vous semble, on vous répondra toujours qu’ils n’ont rien changé, et que ce ne sont pas trois coups de rouleaux sur les façades qui amélioreront fondamentalement quoi que ce soit… Ravalez vos ravalements, vous n’avez rien compris !
Avec les élections présidentielles, on proclama le temps de la rupture. Celui qui devint chef de l’état –ancien Maire de banlieue, qui plus est !- citait Jaurès et Blum. Il jura, croix de bois croix de fer qu’il mettrait en œuvre « un grand plan Marshall de la formation pour tous les jeunes de nos quartiers ». Qu’il « consacrerait beaucoup d’argent aux banlieues ». Et de confier à Fadela Amara –une ex banlieusarde- le soin de bâtir un plan –un de plus- en faveur des banlieues : éducation, désenclavement, lutte contre le chômage, tous les thèmes devaient y passer.
Attente, sans beaucoup d’illusion… Vous savez, ma petite dame, ça fait longtemps qu’on est résigné, en banlieue.
Dans les quartiers, on ne sait pas toujours comment sont financés les associations, les services de proximité, et les aides proposées par les municipalités – une vraie bouffée d’oxygène, ces aides !
La Dotation de Solidarité Urbaine, la DSU, pas grand monde ne sait précisément ce dont il s’agit. Un sigle de plus, certainement…
Pourtant, la DSU permet justement aux municipalités, à qui l’état délègue toujours plus de charges sans les moyens qui vont avec, de financer –entre autres- ces mêmes associations, services et autres aides sociales.
En bref, ce que les habitants palpent concrètement.
Actuellement, un nombre considérable de communes perçoivent la DSU : 717 sur les 953 villes de plus de 10.000 habitants. Pour certaines d’entre elles, concédons-le, il arrive que DSU rime avec superflu. En revanche, pour la majorité –celles qui accueillent sur leur territoire les quartiers et les habitants qui cumulent tous les handicaps urbains et sociaux-, elle constitue une véritable assistance respiratoire, une perfusion vitale.
Alors, quand fut évoqué le projet de réforme visant à recentrer les efforts financiers sur les villes en difficulté, on ne pouvait que se réjouir.
Las, à l’observation, l’ascenseur émotionnel est rude. La couleuvre –que dis-je, la vipère !- est dure à avaler ! L’abandon des critères de Zone Urbaine Sensible et de Zone Franche Urbaine –ce n’est qu’un exemple- dans le mode de calcul de la DSU pénalise, voire condamne, les communes déjà en difficulté.
Branle-bas de combat ! A gauche comme à droite, les Maires des villes concernées montent légitimement au créneau : Clichy-sous-Bois, Montfermeil, Vénissieux, Sarcelles, Chenôve,… perdraient une partie de leur dotation !? On croit marcher sur la tête ! Sans même parler de celles qui se la verront tout bonnement sucrer : Bagneux, Pantin, Les Ulis, Saint-Pierre-des-Corps, Vitry-sur-Seine comme pas mal de ses voisines du Val de Marne… La liste est longue. Accablante.
Dans ma ville, comme dans bien d’autres en France, il y a Inès et Yanis. 15 et 16 ans. A eux deux, ça fait pas moins de 31 ans de souffrance. Ils sont deux. Leur maman n’a pas pu leur offrir de petit frère ou sœur : ça fait belle lurette que papa est parti. Et que maman trime. Horaires de nuit, galères en tout genre, rongée par le stress, maman n’a pas trop le temps de s’occuper d’Inès et Yanis. Par la grâce de Dieu, des savants avaient tout prévu et ont inventé des pilules pour ça : Lexomil et Tranxen sont ses plus fidèles compagnons. Pour Inès et Yanis, les carences affectives sont un fardeau lourd à porter.
Inès, c’est pas trop un souci. Travailleuse, elle réussit bien à l’école. Le mercredi et le samedi, elle fréquente les activités de la MJC. Danse hiphop, sorties avec les copines, des animateurs super sympas, la MJC, c’est vraiment top !
Yanis, lui, a priori, l’école c’est pas son truc. Il préfère se retrouver avec ses potes. Dans le quartier. Tenir les murs. Tard le soir, faire du bruit, montrer un peu qu’il existe, puisqu’il n’y a que là qu’il est estimé, un tant soit peu. Si, quand même, tous les mercredis soir –il raterait ça pour rien au monde, même pas pour un match de ligue des champions !-, il va aux ateliers d’écriture que propose une association montée par des grands du quartier. Des types bien, qui oeuvrent pour les petits jeunes, les « Gremlins » comme ils les surnomment. Yanis, il est nul en français, sa prof le lui répète constamment. Mais pour poétiser son quotidien et rapper sa souffrance, ça, il est imbattable. Enfin, c’est ce qui se dit. Quand il prend le micro, toutes les têtes s’agitent, et ça, pour Yanis, c’est une vraie fierté. Et un exutoire salutaire.
Dans ma ville, il y a Inès et Yanis. Et combien d’autres, à travers tout le pays ?
Le moment est venu où il faut dire aux mamans des petits Inès et Yanis, et même à la société entière, que l’époque où la municipalité pouvait financer ce type d’activités est menacé. Pas encore révolu, le requiem n’a pas encore sonné, mais son fantôme se profile déjà…
« Regarde ta jeunesse dans les yeux, toi qui commandes en haut lieu », invectivait Bruno Lopes en 1990.
T’inquiète, Bruno, c’est exactement ce qu’il fait. Avec un beau bras d’honneur en prime…
Mathieu PERCHEMINIER
Chargé de mission développement social
Illustration : Thibaut ROY
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Merci Mathieu !
Un petit bonus, ce matin très tôt :
A titre de curiosité, une copie du message adressé à tous les supporters :
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How it’s happened
Yves –
I’m about to head to Grant Park to talk to everyone gathered there, but I wanted to write to you first.
We just made history.
And I don’t want you to forget how we did it.
You made history every single day during this campaign — every day you knocked on doors, made a donation, or talked to your family, friends, and neighbors about why you believe it’s time for change.
I want to thank all of you who gave your time, talent, and passion to this campaign.
We have a lot of work to do to get our country back on track, and I’ll be in touch soon about what comes next.
But I want to be very clear about one thing…
All of this happened because of you.
Thank you,
Barack
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Ca nous promet de belles perspectives.
Ici tout est axé justement sur la rénovation urbaine.
Il ne manquait plus que ça !
Et on sait s’il a protesté, le SEA truc chose ?
Affligeant ce communiqué – la culture et le tact ne sont pas des qualités premières de 346
Même dans son communiqué de félicitations à Obama, Jégo ne peut s?empêcher de faire de la politique politicienne franco-française?
Il n?y a vraiment rien à faire !
Oui, nous y reviendrons demain…
Avec un détail assez étonnant.
Merci pour ce papier très éclairant, et qui prend position.
Ca fait du bien.