Surville : retour vers le futur (4)
ous avions quitté Mathieu Percheminier, au tout début des années 60. Les premiers bâtiments et les premières tours de Surville n’allaient pas tarder à voir le jour.
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La promesse d’un avenir radieux
(épisode 3)
Le début de la décennie 1960 est donc celle de la mise en chantier du plateau de Surville où doit sortir de terre un grand ensemble de 6.600 logements, dans l’objectif d’élever la ville au rang de capitale régionale sud-parisienne.
La population de Montereau étant en nette croissance depuis la fin de la guerre (8.960 habitants en 1946, 10.119 en 1954, environ 13.000 fin 1958)[1] et la configuration du territoire municipal s’avérant restreint dans la vallée, Surville semblait alors convenir le mieux à l’accueil d’un quartier neuf de cette importance. Pour tenter de résorber la pénurie aigüe de logements, le coteau du plateau avait déjà été en partie urbanisé par l’édification du quartier des Grandes Berges, tout comme une partie du plateau à proprement parler (cité d’urgence des Ormeaux).
« Le plateau de Surville est situé rive droite de Seine, au nord de l’agglomération ; il constitue un site particulièrement agréable et bien orienté, et était tout désigné pour l’extension de Montereau »[2].
Chronologiquement, le processus de désignation des responsables chargés de mener à bien cette entreprise a été le suivant :
- le 24 octobre 1958, la Ville passe une convention avec la Société d’Equipement de Seine-et-Marne (SESM),
- le 23 novembre 1959[3], un décret confie à la SESM l’étude et l’exécution des travaux d’équipement de ce nouveau quartier et de la zone industrielle,
- le 18 décembre 1959, la Ville désigne les architectes -heureux élus- chargé de concevoir la construction : les deux frères Arsène-Henry.
- le 28 juillet 1961, Xavier Arsène-Henry est nommé urbaniste au conseil de la Ville[4]. Grand prix de Rome, il s’entoure de collaborateurs : B. Schoeller, H. Pouey et E. Marchal.
Les frères Arsène-Henry souhaitent concevoir un grand ensemble « qui tienne compte de la complexité des rapports entre l’homme et le milieu urbain » [5].
Les bulldozers peuvent œuvrer sereinement, les études préalablement réalisées en vue de cette opération ont satisfait tout le monde.
M. Siadous, directeur départemental du ministère de la construction, souligne lors de la séance de conseil municipal du 23 septembre 1960 « la qualité des études faites tant par l’équipe d’architectes que par tous les techniciens, et insiste sur le fait que pour la première fois en France, un dossier complet d’une opération aussi vaste que celle de Surville, est présenté avec tous les détails techniques et financiers ». Il estime « qu’il s’agit là d’un travail remarquable »[6], d’autant plus qu’ « il a été prouvé qu’il était plus raisonnable et moins coûteux de réaliser des villes par grands ensembles » [7]
Et de poursuivre :
« Non seulement Surville séduit, mais en plus, Surville est économique. Alors, que demander de plus ?… »
Toutefois, « concevoir artificiellement une cité sur le papier, d’un coup, pose un problème de dynamique des structures»[8]. D’ailleurs, la structure urbaine survilloise est simpliste : toute en ligne droite. « De grandes perspectives ont été ainsi dégagées, dans lesquelles apparaissent des édifices traités de façon monumentale »[9]. En outre, « la construction de Surville veut, par des moyens matériels, exprimer une vision spirituelle et humaine du monde, (…) favoriser la vie sociale, sauvegarder la cellule familiale tout en ménageant la solitude de l’individu »[10].
Les sociabilités de ce dernier semblent privilégiées dans la philosophie des concepteurs du quartier : « L’urbaniste a multiplié rues et places en leur restituant la fonction qui était la leur notamment dans la polis grecque et la commune médiévale »[11]
Bien qu’économique, une opération d’une telle ampleur implique plusieurs acteurs financeurs. Sans rentrer dans le détail des emprunts contractés et subventions versées (FNAT[12], FDES[13], Région, Ville…), il est nécessaire de souligner que les endettements liés aux emprunts seront sensés se résorber sur le moyen terme par la vente des terrains aux organismes constructeurs, loyers des logements locatifs,… [14]
« C’est sur les 90 ha du plateau de Surville dominant le confluent que vont être construits 6.600 logements avec tous les équipements nécessaires à la vie de 25.000 habitants : grand centre public, centre commercial secondaire, espaces verts et terrains de sports, lycée classique et technique, groupes scolaires, chauffage urbain, dispensaires, crèche, foyer de jeunes… », peut-on lire dans le programme de la 120ème foire de Montereau. La présentation du processus de réalisation de la ZUP aux habitants de Montereau est séductrice. Il s’agit donc d’attirer les futurs locataires…
Les concepteurs du quartier affirment que pour cette opération « a été conjuguée, dans un cadre de verdure, l’utile et l’agréable en apportant le maximum de confort et en supprimant, par des études détaillées, une partie des servitudes de la vie »[15]. L’expansion de Montereau consisterait donc à « améliorer [celle] de tous dans ce qu’elle a de plus quotidien »[16].
L’édification du quartier de Surville ne s’est pas réalisée à une cadence régulière. Les constructions se sont succédé à des rythmes différents selon les années, suivant un programme triennal[17] :
- première phase, de 1960 à 1964: construction de 918 logements dans la partie sud et sud-est du périmètre ZUP (secteurs Boulains, avenue de Surville, Fleur-Bégné,…), dont un programme de 110 logements exclusivement réservé aux rapatriés d’Algérie.
- deuxième phase, de 1964 à 1968: construction de 1230 logements principalement au nord et à l’est de la zone (secteurs Beaumarchais, Molière, Jean-sans-Peur, Grès, Diderot, Descartes…) dont 3 tours (Molière et Jean Bouin: 23 niveaux; tour des Grès: 19 niveaux). Des barres de 5 à 9 niveaux sortent de terre, ainsi qu’une zone pavillonnaire.
- troisième phase, de 1968 à 1971: construction de 1050 logements dont 9 tours (4 Lavoisier et 5 Voltaire) construites «sur dalle». Le dernier immeuble construit est la tour expérimentale (10 niveaux).
Logiquement, cette explosion du nombre de logements s’accompagne d’une forte progression démographique. Entre 1954 et 1968 (dates des recensements), la population passe de 10.119 à 19.809 habitants[18], soit un bond de 90%.
Mathieu PERCHEMINIER
Chargé de mission en développement social
[1] Chiffres tirés de l’étude de la SESM, Urbanisme et aménagement, n°28, 15 septembre 1958. Cote : SC 4530. [2] SESM, Urbanisme et aménagement, n°28, 15 septembre 1958. Cote : SC 4530.[3] Le conseil municipal de Montereau avait confié à la SESM le 13/06/1958 l’étude et la réalisation de l’équipement des terrains pour construire des locaux d’habitation et l’aménagement de la zone industrielle. Cette décision devait être validée par un décret.
[4] Analyse des délibérations du conseil municipal, Urbanisme / ZUP de Surville, p.3.
[5] Le Monde, Le plan de rénovation de Montereau-fault-Yonne veut exprimer une vision humaine de l’architecture, 02/02/1961.
[6] Délibération de conseil municipal du 23 septembre 1960, classeur Urbanisme / ZUP de Surville, p.145.
[7] Délibération de conseil municipal du 23 septembre 1960, classeur Urbanisme / ZUP de Surville, p.145.
[8] Le Monde, Le plan de rénovation de Montereau-fault-Yonne veut exprimer une vision humaine de l’architecture, 02/02/1961.
[9] Le Monde, Le plan de rénovation de Montereau-fault-Yonne veut exprimer une vision humaine de l’architecture, 02/02/1961.
[10] Le Monde, Le plan de rénovation de Montereau-fault-Yonne veut exprimer une vision humaine de l’architecture, 02/02/1961.
[11] Le Monde, Le plan de rénovation de Montereau-fault-Yonne veut exprimer une vision humaine de l’architecture, 02/02/1961.
[12] FNAT : Fonds National pour l’Aménagement du Territoire.
[13] FDES : Fonds de Développement Economique et Social.
[14] Ville de Montereau, Equipement et aménagement général de la ville, mars 1962, AZ 9206.
[15] Documentation du CERNAME, En marge d’une exposition, expansion et urbanisme à Montereau, extrait du programme de la 120ème foire, avril 1961.
[16] Ville de Montereau, Bulletin municipal, n°1, Montereau, 1966, p.12.
[17] Les données afférant aux différentes étapes de la construction de la ZUP sont issues du mémoire de géographie urbaine d’André Lesourd, Desserrement industriel et croissance urbaine à Montereau, Mémoire de maîtrise de géographie, Paris, 1972.
[18] Ville de Montereau, Bulletin municipal, 16/11/1985.
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A suivre !
C’est bien l’école Jules-Ferry qu’on voit sur la photo ?
C’est bien l’école Jules-Ferry…
Dire qu’il y a une de ses anciennes directrices qui a appelé à voter Jégo aux dernières municipales, sur papier bleu signé…
Pourquoi, dans l’énumération des architectes, le nom de M. BEAUPRE René, monterelais pure souche, ne figure pas ?
Voilà ce qu’on peut lire dans le livre « Arrêtons-nous quelques instants 3ème étape du long voyage d’un architecte » de X. Arsène-Henry (Ed L’Harmattan »
Page 191 :
« Jusqu’en 1968, deux architectes locaux, Pouey et Beaupré, puis par la suite E. Marshal, D.P.L.G., un de mes anciens élèves, nous avons réalisé avec un jeune ingénieur genial, Henri Duthu, près de 5000 logements et groupes de maisons individuelles… »
Par exemple les « Hauts de Nimes » transposés à Surville en oubliant au passage que les vents dominants sur le plateau étaient des vents d’ouest, ce qui a généré dans la gestion du premier triennal, avec des ouvrants vers l’extérieur des appartements, (Fleur Bégné, Chesnois, Grès entre autres) de gros problèmes de maintenance par arrachement des fenêtres et des infiltrations.
(pour illustrer les propos de la page 191 évoquée par Archi)
« POUEY’ avec un U, ça fait tout drôle…
On n’a pas l’habitude.
Ce qui fait bizarre aussi, c’est qu’il n’y a pas encore les COOP, qui devindront Continent, puis Carrefour.
pk la demolition , il etais tres bien les tours