Surville : retour vers le futur (9)
Avant post !
Procès POEY / JEGO : de l’action, du suspens, des rebondissements !
Notre Secrétaire-d’Etat-A l’Outre-Mer-Maire-UMP-346-1 n’a pas fait appel dans les temps du jugement en première instance, le Ministère Public n’a pas non plus interjeté l’appel.
Il se pourrait donc que je me retrouvasse tout seul dans un procès sans partie civile !
Hier, au Palais de Justice, le Président de la 11ème chambre d’appel de Paris spécialisée dans les délits de presse, a qualifié la situation d’exceptionnelle !
Je développerai tout ceci lundi prochain ! Vous pouvez m’en croire, ce fut un grand moment que cette audience d’hier après-midi !
A suivre !
—————————————————————————————
Nous continuons à remonter le temps, afin de mieux comprendre les enjeux actuels. Mathieu PERCHEMINIER, que je ne remercierai jamais assez pour ses nécessaires chroniques, nous replonge dans les années 70 à Surville.
———-
« Montereau, une ville malade qui attend de l’Etat
le respect de ses promesses » [1].
(épisode 8.)
Le titre de l’article paru dans le Télégramme en dit long sur la situation de la ville au début des années 1970. L’énorme carence d’emplois sur le bassin de Montereau rend l’agglomération repoussoire. Les usines ne sont pas en mesure d’offrir du travail pour tous les Monterelais. Alors, « pourquoi des gens iraient-ils se loger précisément là où aucun emploi ne leur est proposé ? »[2]. Par conséquent, le taux de vacance des logements s’aggrave au fur et à mesure qu’ils se construisent :
« En raison de la carence des créations d’emplois, 500 logements restent inoccupés tandis que 300 sont en cours de finition, ce qui crée un grave déséquilibre tant social qu’économique »[3].
La Ville de Montereau s’était portée garante, dans les années 1960, des emprunts contractés par la SESM, soient 11.422.000 francs. En cas de scénario catastrophe qui représenterait une charge trop lourde pour le garant (la Ville), la garantie supplémentaire du département est sollicitée par la Caisse des Dépôts et Consignations. En 1973, la SESM est pratiquement en faillite, la Ville, garante des emprunts, menacée de devoir les remboursés… La situation est tellement grave que la République de Seine-et-Marne n’hésite pas à qualifier Surville « d’épée de Damoclès sur le budget de la commune »[4]. La mise sous tutelle de la mairie se profile à l’horizon…
Le 18 novembre 1972 se tient une séance extraordinaire du conseil municipal consacrée exclusivement à la situation déficitaire de la SESM et de l’OPHLM. Des mesures d’urgence en faveur de la cité du plateau sont instamment demandées. Le bilan financier prévisionnel d’aménagement et d’équipement actualisé de la ZUP établi par la SESM à la demande de la municipalité est éloquent : le déficit s’élève à 7.530.000 francs pour 3.782 logements achevés. Il est par ailleurs souligné que les conséquences concrètes sur les finances communales seront effectives dès la fin de l’année[5].
En outre, la perte de recettes pour l’OPHLM, du fait de la vacance importante dans son patrimoine, se chiffre à 7.250.000 francs. Ce ne sont pas les augmentations de loyer que subissent les locataires qui suffiront à rétablir l’équilibre. Ils sont d’ailleurs de plus en plus nombreux à ne plus pouvoir s’acquitter régulièrement de celui-ci : l’endettement se profile. Impuissant, le conseil municipal impute à juste titre la responsabilité de cette situation aux pouvoirs publics :
« Ce déséquilibre découle de la stagnation économique de Montereau dont la cause est, d’une part, le refus d’agrément aux industriels désireux de s’installer à Montereau, et d’autre part, la politique d’aménagement du territoire décidée par le Gouvernement, et qui se concrétise en particulier par la création des Villes Nouvelles autour de l’agglomération parisienne (…) au détriment des entités urbaines existantes telles que notre ville »[6].
Soutenue par le conseil général, la municipalité a décidé ce 18 novembre 1972 de limiter jusqu’à nouvel ordre le programme des constructions à 3.782 logements[7], afin de tenter de résorber tout d’abord la vacance, et d’accorder des subventions à l’OPHLM pour ne pas que les loyers n’augmentent trop.
« L’absence des contribuables prévus amène un déséquilibre budgétaire grave des finances locales (augmentation démesurée des contributions mobilières, patentes,…). Ces impôts sont proportionnellement très lourds et à l’extrême limite des possibilités des Monterelais »[8].
———-
Finalement, l’Etat prend la question de Surville à bras le corps : un plan de redressement est soumis à la municipalité par la DDE le 4 avril 1974. Fondé sur le redémarrage de la construction de la ZUP en 1975 à raison de 150 logements par an jusqu’en 1980 (soit 900 logements supplémentaires), ce plan est en réalité imposé à la Ville[9]. Il est constitué de trois points : le rachat par l’Etat des terrains non équipés de la 2ème tranche, la consolidation à 12 ans d’un emprunt de 1.980.000 francs et à 10 ans d’un autre emprunt de 2.000.000 francs contractés par la SESM, et la réalisation par la SESM d’un nouvel emprunt de 2.500.000 francs, afin de poursuivre l’édification des bâtiments. Ainsi, ce plan prévoit de circonscrire la ZUP au seul périmètre de la première tranche, qui doit compter 4.700 logements.
La commune est en réalité quasiment contrainte d’accepter dans l’urgence les propositions de la DDE. Extrêmement pressée, elle ne peut même pas envisager de mener certaines études préalables : la DDE tend le spectre des risques encourus par la municipalité en cas de refus du plan… Maitre d’ouvrage de la ZUP, la Ville, consultée seulement pour avaliser des décisions, se sent complètement méprisée. Le Conseil Municipal extraordinaire du 28 juin 1974 est consacré au débat de ce plan de redressement. L’analyse qui en est faite est accablante : aucune garantie n’est apportée en matière d’emploi, le financement des équipements indispensables n’est pas mentionné. Mais surtout, le projet risque fortement de placer la ville dans une situation plus grave encore en 1980. Rien ne vient en effet garantir que les hypothèses de croissance émises se réaliseront, et que le taux de vacance diminuera !
« Nous ne savons ni vous ni moi si l’année prochaine la conjoncture économique sera bonne ou mauvaise. Il me semble impossible en l’état actuel des choses de reprendre une opération de construction de logements à Surville »[10].
Le choc pétrolier venant juste de se produire, les perspectives de croissance s’avèrent très aléatoires même si les premiers effets de la crise ne sont pas encore ressentis en France. De plus, les communes environnantes ont réalisé des projets de lotissements relativement importants, concurrençant sérieusement les logements du plateau.
Le conseil municipal se résout à repousser provisoirement le plan pour se laisser le temps à l’étude des garanties qui doivent être apportées à la commune afin d’éviter la catastrophe en 1980[11]. La commune demande également la création d’une ZAC industrielle (en extension de la ZI) et le règlement des difficultés de l’OPHLM.
« La ville se sent attaquée, d’autant qu’elle semble faire l’objet de menées douteuses. Elle n’est qu’un exemple de l’indéchiffrable maquis administratif qui enserre aussi bien les autorités supérieures que les instances locales »[12].
L’Etat assimile le délais demandé à un refus pur et simple du plan. Alain Peyrefitte, député-maire de Provins, fustige l’hypercentralisation des décisions et ses conséquences, la prégnance de la technocratie. C’est, selon son expression, « le mal français à l’œuvre sur le terrain »[13]. Un chapitre entier est consacré spécifiquement à la ZUP de Surville dans son ouvrage paru en 1976, dans lequel il reconnaît les erreurs de ses alliés politiques parisiens. De plus, les lignes de clivage qui traversent l’appareil d’Etat ne sont pas sans porter tort à la cohérence des actions menées.
Le 29/11/1974, après avoir mené plusieurs études, le conseil municipal décide d’adopter un nouveau plan de redressement programmant la construction de 450 logements supplémentaires à partir de 1975, à raison de 100 par an. Le périmètre ZUP est restreint.
Contrairement à ce que proposait l’Etat, ce plan aborde la question cruciale de l’emploi : il est prévu la création de 1.000 emplois, essentiellement féminins. On évoque également la nécessité d’un deuxième pont enjambant la Seine, afin de mieux desservir la Zone Industrielle et le grand ensemble de Surville. Suite à la parution du rapport de la commission de contrôle mettant en lumière la situation déficitaire de l’OPHLM, des mesures en sa faveur sont établies. Enfin, un espace vert doit voir le jour avenue de la Gramine, à la place d’un terrain vague. Les travaux d’aménagement débutent en novembre 1976. Jusqu’alors, Surville et ses 12.000 habitants ne disposaient d’aucun espace vert ou square public…
———-
Mathieu PERCHEMINIER
Chargé de mission en développement social
[1] Le Télégramme, Montereau, une ville malade…, 01/1972. [2] L’Humanité, Montereau. « Le gouvernement a violé ses engagements. Qu’il paie ! », 26/2/1972. [3] Combat, Montereau, ville piégée ?, 22/3/1972.[4] La République de Seine et Marne, Surville : une épée de Damoclès sur le budget de la commune, 23/5/1977.
[5] Délibération du conseil municipal, séance extraordinaire, 18/11/1972, Registre du 28/10/1971 au 22/12/1972, p.287.
[6] Samuel Ettedgui (maire de Montereau) lors de la séance extraordinaire du conseil municipal précédemment citée.
[7] Délibération du conseil municipal, séance extraordinaire, 18/11/1972 : « Le conseil décide de limiter jusqu’à nouvel ordre le programme de constructions à 3.782 logements, compte tenu de la grave sous-occupation actuelle des ensembles d’habitations existants ».
[8] André Lesourd, Desserrement industriel et croissance urbaine à Montereau, Mémoire de maîtrise de géographie, Paris, 1972, p.78.
[9] Ville de Montereau, Délibérations du Conseil Municipal, n° spécial, Montereau, 28 juin 1974, p.4.
[10] Mr. Pinte, député de la circonscription, dans Ville de Montereau, Délibérations du Conseil Municipal, n° spécial, Montereau, 28 juin 1974, p.18.
[11] Ville de Montereau, Délibérations du Conseil Municipal, n° spécial, Montereau, 28 juin 1974, p.20.
[12] Combat, Montereau, ville piégée ? , 22/03/1972.
[13] Alain Peyrefitte, Le mal français, Plon, 1976, Paris, p.227.
——————
A suivre…
———————————————————————————–