Archive pour 6 février, 2009

Surville : retour vers le futur (11)

Avant Post !

Actualité du Réseau Education Sans Frontières

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Samedi 7 février 2009

Un rassemblement organisé par RESF 77 est prévu à Melun, Place St Jean, à 10h30.

Pour demander la fermeture des Centres de Rétention Administrative.

A quelques kilomètres de chez nous, en Seine-et-Marne, au bord des pistes de l’aéroport Roissy Charles de Gaulle, il existe une « prison pour étrangers » : c’est le Centre de Rétention Administrative du Mesnil-Amelot (CRA).

Les centres de rétention sont la dernière étape avant l’expulsion !

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Vendredi 13 février 2009

Montereau, local de la CFDT, Parking de l’ancienne gendarmerie, 18h00.

Réunion d’information/formation aux procédures d’aide et d’intervention RESF.

Intervenante : Hélène LIPIETZ, avocate, Conseillère régionale, .

http://helene.lipietz.net/

Surville : retour vers le futur (11) dans Vie locale 090204085543390113100824 

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Surville : retour vers le futur (11)

 

Mathieu PERCHEMINIER nous fait une nouvelle fois remonter le temps. A partir du milieu des années 1970, de grosses difficultés économiques et des données sociologiques incontournables vont aboutir à une véritable stigmatisation de Surville.

 

Le départ des classes moyennes et la précarisation de Surville

(épisode 10)

« Il faut stopper le phénomène d’appauvrissement qui gagne Surville (…) le rééquilibrage social de la cité est un besoin. Il faut faire en sorte que les familles de toutes compositions sociales puissent vivre en bon voisinage ! » [1]

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En 1972, les origines géographiques des habitants de Surville sont relativement variées : 54,2% viennent de Seine-et-Marne (dont 27 % de Montereau), 30 % du Bassin Parisien (Paris, banlieue, Yonne), 13,1 % du reste du territoire français, 10 % de l’étranger (dont 2 % du Portugal, 2 % d’Algérie et du Maroc, 4 % sont des rapatriés)[2].Tout au long de la décennie 1970, la composition sociale de Surville évolue considérablement, comme dans la plupart des ZUP françaises. La combinaison de plusieurs facteurs explique cela…

Au milieu des années 1970, considérant que la crise du logement est résolue, l’Etat engage un processus visant à réduire l’aide publique en faveur du logement social et privilégie les aides individuelles facilitant l’investissement dans l’immobilier, notamment l’accession à la propriété pour les classes moyennes.

L’Etat recentre ses apports sur une aide unique remplaçant à la fois les anciennes aides à la pierre et l’allocation logement. L’Aide Personnalisée au Logement (APL) est créée le 3 janvier 1977 et consiste à accorder un soutien financier en fonction de la situation familiale et sociale.

Si elles permettent à certains ménages populaires d’accéder à la propriété, ces réformes laissent de côté les plus précaires. La politique d’austérité économique, en vigueur sous Giscard d’Estaing, est ressentie durement chez les locataires de logements sociaux. Parallèlement, la réputation des grands ensembles se dégrade rapidement… Les mécanismes producteurs de pauvreté se conjuguent à ceux qui déprécient l’habitat (localisation excentrée, faiblesse des équipements, mauvaise desserte,…).

A Montereau comme dans nombre de communes, l’office HLM connait d’énormes difficultés. Selon les élus municipaux siégeant à l’office monterelais, « tout est fait pour que se détériore le parc des logements sociaux et que s’accentue la ségrégation sociale »[3]. Leur tentative de limiter la hausse des loyers à 5 % lors du Conseil d’Administration en janvier 1980 (vote unanime du budget) a été vaine : par une lettre datée du 3 mars 1980, le Sous-Préfet signifiait que ce budget était refusé. Il fallait obligatoirement accepter les hausses de charges et loyers. 

« Avec le conventionnement, ce serait l’accélération des départs de Surville de locataires aux revenus moyens qui paieraient des loyers trop élevés (…) Ce serait l’accélération de phénomènes d’appauvrissement de Surville.»[4]

En juillet 1984, Claude Eymard-Duvernay, qui succède à José Alvares en 1983, confirme la tendance observée dès la fin des années 1970 :

« Ces loyers augmentent pour certains dans des proportions importantes et brusquement. C’est malheureusement la conséquence de mesures administratives qu’il faut appliquer du jour au lendemain pour obtenir en contrepartie l’APL »[5].

Alors, pourquoi rester dans les appartements survillois lorsque l’on peut s’offrir un pavillon ? Les « surloyers » ont poussé les classes moyennes au départ. L’évolution de la population communale confirme cette observation : entre 1975 et 1982, Montereau entre dans la catégorie des villes repoussoirs qui perdent entre 1 et 2 % de leurs habitants[6].

Ce sont de véritables « vagues de classes moyennes » qui sont partis vivre dans les villages alentours que sont Marolles-sur-Seine, La Grande Paroisse, Cannes-Ecluse, Ville-Saint-Jacques, ou dans l’Yonne, Courlon-sur-Yonne, Champigny-sur-Yonne, Villeneuve-la-Guyard,[7]… désertant de fait le grand ensemble survillois. Entre 1982 et 1990, le quartier de Surville perd un millier d’habitants, passant de 11.718 à 10.743[8].

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Les mesures en faveur du regroupement familial prennent effet en 1975[9] sous l’impulsion de Paul Dijoud (secrétaire d’Etat à l’Immigration), afin de « compenser » la fermeture des frontières. Elles entraînent une modification notable de la nature de l’immigration, qui était jusqu’à cette date majoritairement le fait d’hommes seuls (travailleurs ouvriers peu qualifiés), et une augmentation de la proportion des populations d’origine immigrée dans les cités. A Surville, elles s’installent souvent dans les logements laissés vacants par les classes moyennes ayant quitté le quartier. Le regroupement familial engendre une revendication de pleine citoyenneté. Auparavant économique, l’approche de l’immigration devient alors politico-culturelle. La précarisation des Survillois s’accélère, l’intégration se complexifie avec le développement du rejet et de l’isolement. La densité de population dans la ZUP est très élevée. En 1981, plus de 200 familles vivent en état de surpeuplement. De plus, le chômage continue de croitre…

Dans l’imaginaire collectif, tout au long des années 1980, Surville apparait progressivement comme un « quartier étranger », regardé d’un œil méfiant depuis la ville basse. Les médias contribuent largement à la stigmatisation des populations d’origine immigrée. En l’espace d’une semaine de juin 1982, la République de Seine-et-Marne relate par deux fois une rumeur galopant à Montereau : Surville serait sur le point d’accueillir une nouvelle vague massive de travailleurs immigrés. Obligeant la municipalité à publier un communiqué officiel dans la presse afin de démentir cette information infondée, elle traduit quand même un certain état d’esprit minoritaire mais grandissant au sein de commune (en ville basse essentiellement) : « Ces propos malveillants et mensongers, dont nous connaissons les auteurs, ont pour objet de semer l’inquiétude parmi la population, et sont de nature raciste, ils déshonorent ceux qui les colportent »[10].

Destinée à calmer les esprits monterelais dont l’agitation était illégitime, cette mise au point s’est avérée insuffisante, puisque José Alvarez se voit dans l’obligation de réitérer une semaine plus tard, dans le même quotidien régional. Il n’est effectivement pas facile d’arrêter un bruit qui court, surtout quand ceux qui en sont les initiateurs mettent tout en œuvre afin de le perpétuer et de le faire progresser…

« On veut faire croire que je me désintéresse de la situation de l’immigration. Or, c’est le contraire. S’il nous paraît impensable de faire venir de nombreux immigrés à Montereau, nous ne pensons pas non plus à faire partir ceux qui y vivent. J’ai d’ailleurs évoqué cette question avec le préfet de région »[11].

Les médias nationaux grand public ne sont pas en reste, et se font le relais des thèses populistes : Michel Poniatowski, dans le Figaro du 20 juin 1991, écrit : « La population immigrée est hautement criminogène », et trois jours plus tard, sur Europe 1, il compare la situation de l’immigration à l’invasion allemande, parle d’ « humiliation » ! 

Le processus aboutissant à ce que Christian Bachmann qualifie « désastre identitaire » s’est mis à l’œuvre dans la seconde moitié de la décennie 1970. S’est développée simultanément la nostalgie d’un âge d’or mythique des cités, à une époque où, dans l’imaginaire, tout le monde s’entendait, où la solidarité avait encore cours. Un élément capital est la disparition progressive d’encadrement des classes populaires, et des repères politiques traditionnels. Alors que le Parti Communiste et les syndicats constituaient les structures traditionnelles dans lesquelles se reconnaissaient les travailleurs et auxquelles ils adhéraient, le discrédit croissant du PCF au sein de la société française qui s’est mis à l’œuvre à partir des années 1970 et la tertiarisation du pays ont provoqué un vide notable et l’effondrement de la conscience de classe. Un cadre structurant majeur s’affaisse. Les immigrés, dont l’intégration s’était jusqu’alors réalisée en grande partie par ce biais[12], subissent de plein fouet cette érosion.

« Les Français des cités s’en prenaient aux riches ; maintenant ils les envient. Les Français des cités avaient de farouches protecteurs, comme le parti communiste ou une gauche populiste. Ils n’adhéraient pas à toutes les politicailleries qu’on leur déversait, mais ils se savaient défendus. Maintenant, ils sont abandonnés »[13].

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Pour les plus défavorisés vivant dans les cités, plus le temps passe, plus les barreaux de l’échelle sociale sont difficiles à gravir. Montereau, touché très précocement par le chômage, n’échappe pas à la conjoncture nationale consécutive au choc pétrolier. Le taux de chômage explose. Surville fait et défait les majorités municipales. L’alternance politique entre 1971 et 1995 témoigne de l’impatience des populations, et de l’impuissance des dirigeants à régler leurs problèmes :

« Les Monterelais ont pris un coup de sang. »[14]

Parallèlement, la thèse raciste de « l’inassimilable communauté »[15] se répand. Opposant les communautés immigrées qui seraient animées d’une profonde volonté d’intégration (Portugais, Asiatiques,…) aux Africains (Maghrébins inclus) responsables de tous les maux banlieusards, les défenseurs de ce courant de pensée internationalisent le problème et le déplacent sur un terrain très sensible, contribuant toujours plus à stigmatiser les populations d’origine étrangère qui se sent stigmatisée, non désirée, exclue.

En 1982, Montereau fait partie des villes françaises comptant plus de 44 % de population active dans l’industrie, à l’instar de Mantes-la-Jolie, Le Creusot, ou certaines villes du Nord et de l’Est de la France. Quant au niveau de formation des habitants, Montereau se trouve dans la catégorie où le niveau de diplômes surreprésentés est « sans diplôme et CAP »[16].

Comme nous le verrons, les politiques d’intégration et d’insertion professionnelle vont se dessiner dans le cadre des dispositifs contractuels de la politique de la ville, même si les contractants ne maitrisent qu’une partie des outils concourant à leur fabrication.

Mathieu PERCHEMINIER

Chargé de mission en développement social

 

 

 

 

 

 


 

[1] Ville de Montereau, Bulletin municipal, Quel avenir pour notre ville ? , Juin 1982.

[2] André Lesourd, Desserrement industriel et croissance urbaine à Montereau, Mémoire de maîtrise de géographie, Paris, 1972.

[3] Les élus municipaux de l’office HLM de Montereau, OPHLM : non à la hausse des loyers et des charges imposées par le Sous-Préfet ! , dans le Bulletin municipale de la ville de Montereau, Faisons le point à la mi-mandat, Juin 1980.

[4] Bulletin municipal, Avec la municipalité, exigez le déblocage des crédits pour Surville, refusez le conventionnement, numéro spécial janvier 1981.

[5] La Lettre du Maire (supplément du Bulletin municipal), Juillet 1984.

[6] Denise Pumain et Thérèse Saint Julien, Atlas des villes de France, La Documentation française, collection Dynamiques du territoire, Paris, 1989, p. 29.

[7] En règle générale, les villages (ou petites villes) où ont été construits des lotissements pavillonnaires.

[8] DSQ Surville, Diagnostic urbain et social et propositions, avril 1994.

[9] La loi mettant sur pied le regroupement familial date de 1974.

[10] Extrait du communiqué officiel de la municipalité tiré de La République de Seine-et-Marne, « Pas d’arrivée massive de travailleurs immigrés à Montereau », déclare la municipalité, 31/05/1982.

[11] José Alvarez dans La République de Seine-et-Marne, IMMIGRATION, pas de ghettos mais une forte concentration à Surville, 07/06/1982.

[12] Notamment les immigrés italiens et polonais.

[13] Christian Bachmann et Nicole Le Guennec, Violences urbaines. Ascension et chute des classes moyennes à travers 150 ans de politique de la ville, Hachette, Pluriel, Paris, 2002, p.406.

[14] Alain Peyrefitte, Le mal français, Plon, 1976, Paris, p.225.

[15] Cette expression désigne chez Azouz Begag et Christian Delorme la communauté maghrébine (Quartiers sensibles, Seuil, Paris, 1994) Max Clos, journaliste au Figaro, est de ceux qui soutiennent cette thèse. Voir son article Qui embrase les banlieues ? daté du 17 octobre 1990.

[16] Denise Pumain et Thérèse Saint Julien, Atlas des villes de France, La Documentation française, collection Dynamiques du territoire, Paris, 1989, pp.61 et 105.

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