Video-gag !
Si vous suivez un tant soit peu l’actualité, vous savez évidemment que la Cour des Comptes vient de rendre un rapport accablant en ce qui concerne la politique sécuritaire menée en France depuis 2002.
Ce rapport, dans son intégralité, peut se télécharger ici :
http://www.ccomptes.fr/fr/CC/Theme-252.html
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A l’heure où les magistrats de cette institution, sous la houlette de Didier Migaud, insistent sur le caractère peu efficace de la video-surveillance, à Montereau, le conseil municipal vient de voter lundi dernier l’implantation de sept nouvelle caméras…
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Je vous propose donc aujourd’hui d’éplucher un peu plus en détail le chapitre de ce rapport de la Cour des Comptes consacré à ce sujet.
Voici donc le sommaire correspondant.
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Voici donc les remarques que formulent les magistrats, des remarques que j’ai sélectionnées en fonction de nos problématiques monterelaises, et qui montrent bien que ces systèmes posent de sérieuses questions d’éthique :
1) L’estimation de 20 000 caméras de voie publique en 2008, sur laquelle l’objectif de triplement a été fondé, était approximative.
Le ministère de l’intérieur ne procède pas à une évaluation globale et fiable du nombre de caméras de vidéosurveillance installées sur la voie publique.
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Il y a ainsi un écart important entre le nombre de 20 000 caméras de vidéosurveillance de la voie publique en 2008, pris pour référence par le ministère de l’intérieur (soit environ 30 000 en 2009 et 40 000 en 2010) ou celui établi par l’une de ses directions, la direction des libertés publiques et des affaires juridiques (33 000 en 2009) et d’autre part le recensement par la Cour des données provenant des services de la police et de la gendarmerie (environ 10 000 caméras à la fin de 2010).
A Montereau, nous avons une trentaine de caméras de video-surveillance.
Fonctionnent-elles toutes, fournissent-elles toutes des images claires ?
Un exemple tout à fait personnel s’étant déroulé voici deux ans déjà me fait penser que non : dans une cité truffée de caméras, on n’a jamais pu retrouver mes deux agresseurs…
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2) Des autorisations d’une régularité contestable
Si certains services préfectoraux, comme ceux du Val-de-Marne, refusaient en 2009 de prendre en compte les demandes de communes dépourvues de police municipale, la faculté, implicite ou explicite, généralement laissée aux communes par les autorisations préfectorales de charger de l’exploitation et du visionnage du système de vidéo surveillance indifféremment des policiers municipaux ou des agents d’un autre statut est contraire aux textes en vigueur.
Il résulte de l’article L. 2212-5 du CGCT que les fonctionnaires de la police ou de la gendarmerie, d’une part, et ceux des polices municipales, d’autre part, sont les seuls à pouvoir accomplir des missions de surveillance de la voie publique.
Ce principe de compétence qui portesur la surveillance tant humaine que par le truchement de systèmes électroniques a déjà été confirmé par le Conseil d’Etat (arrêt commune d’Ostricourt, 1997).
A Montereau, on peut donc penser que le Centre de Surveillance Urbaine est contraire aux textes en vigueur, puisque ce sont des policiers municipaux et des agents d’un autre statut qui video-surveillent…
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3) Diversité des cadres d’emplois et Absence d’assermentation
En l’absence de filière de la fonction publique territoriale préparant au métier d’opérateur vidéo, les profils des agents sont très différents d’une ville à l’autre : employés communaux changés de service, anciens policiers municipaux, agents de médiation reconvertis, anciens agents de surveillance de la voie publique (ASVP).
Les municipalités ont parfois recours à du personnel reclassé (agents de service, assistantes maternelles, gardiens de musée), à la suite à d‘impératifs médicaux ou des raisons deservice (mésentente entre collègues, horaires attractifs).
Cette diversité de recrutement est la réponse aux contraintes de gestion pesant sur les communes, qui préfèrent réserver leurs policiers municipaux, plus expérimentés et mieux rémunérés, aux missions d’intervention sur la voie publique. Elle soulève cependant un double problème de formation et de qualification.
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Quand les opérateurs de vidéosurveillance n’appartiennent pas au corps des policiers municipaux, ce qui est fréquent, ils ne sont ni assermentés ni agréés.
Il en est ainsi pour les agents de la filière administrative ou technique ainsi que pour les ASVP qui n’appartiennent à aucun cadre d’emplois spécifique. Ils sont seulement agréés et assermentés pour le contrôle des infractions relatives au stationnement des véhicules, mais non pour une mission générale de surveillance de la voie publique.
Pour autant, les risques de dérives dans l’utilisation des systèmesde vidéosurveillance sont réels, notamment en matière de respect de la vie
privée.
Les caméras qui peuvent être orientées à distance sont équipées d’un téléobjectif puissant. Les systèmes de vidéosurveillance sont programmables pour « flouter » ou masquer automatiquement les entrées et les fenêtres des immeubles privés, mais ce dispositif ne peut être
systématique, sauf à retirer toute efficacité au visionnage de la voie publique. Son paramétrage peut être modifié. Certains personnels peuvent avoir accès aux codes.
Dans notre chef-lieu de canton, quelles formations de ces agents sont mises en place. Ces fonctionnaires territoriaux sont-ils assermentés, sont-ils agréés ?
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4) Le coût supporté par les communes et intercommunalités
Les contrôles des chambres régionales des comptes ont fourni des éléments à la fois physiques et budgétaires sur les investissements consentis par seize communes ou intercommunalités, qui ont permis de dégager un coût global moyen d’investissement par caméra sensiblement plus élevé que les montants généralement cités dans des revues destinées aux élus locaux.
Si dans certaines de ces seize communes, l’installation d’un système de vidéo surveillance de la voie publique est récente (Argenteuil en 2007, Cagnes-sur-Mer en 2008), elle est sensiblement plus ancienne dans d’autres comme Lyon, Nice et Cannes(2001), Colombes (2002), Aix-en-Provence, Nîmes et Toulon (2003) où le système a généralement été étendu après son installation.
Il en ressort un coût moyen par caméra compris entre 11 500 € TTC à Villefranche-sur-Saône et 101 400 € TTC au sein de la communauté d’agglomération de la Vallée de Montmorency.
Sur un ensemble de 1 314 caméras de voie publique, le coût moyen pondéré est estimé à 36 600 € TTC par caméra.
Il serait évidemment intéressant de connaître le coût global d’une caméra à Montereau….
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5) Une évaluation complexe
La mesure de l’efficacité de la vidéosurveillance dans les espaces publics est rendue complexe par la pluralité des facteurs susceptibles d’expliquer une hausse ou une baisse de la délinquance.
Elle ne peut être fondée sur la seule évolution du nombre de crimes et délits commis dans les zones placées sous le contrôle des caméras. Elle doit prendre en compte d’autres éléments, par exemple, les variations des effectifs de police, de leurs modes d’intervention, un meilleur éclairage public ou un possible déport de la délinquance vers d’autres zones.
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Très peu de communes ou intercommunalité ont mis en place un dispositif permanent d’évaluation de l’efficacité de leur système de vidéosurveillance.
Comment est évaluée à Montereau « l’efficacité » du système ?
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Je vous le disais… Accablant, non ?
Vous l’aurez compris, les questions posées aujourd’hui ne trouveront sans doute pas de réponse locale…
En tout cas, au risque de me répéter, Yves Jégo montre encore une fois son sens du timing : sept nouvelles caméras sont votées alors que deux jours après sort cet implacable et beau rapport…
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